Tomber, lutter, se défendre
On entend souvent dire que les filles ne devraient ni se battre, ni se défendre, ni même tomber. Dans le cadre du cours d’éducation physique, la chance leur est donnée d’exercer ces différentes actions. Grâce à des formes de mouvement judicieuses, les filles augmentent leur assurance et exploitent avantageusement tout leur potentiel.
Lutter en toute loyauté, est-ce compatible? Selon la philosophie orientale des sports martiaux, cet art consiste à lutter avec et contre l’autre en respectant des règles claires et des rituels établis, avec la priorité mise sur le respect et le savoir-vivre.
Au travers de petits jeux de lutte, les enfants et les jeunes assouvissent leur soif de mouvements et apprennent à connaître et gérer leurs émotions. Ils améliorent leurs capacités conditionnelles et coordinatives, apprennent à interagir avec leurs camarades avec fair-play et en respectant des règles claires. L’acquisition d’éléments techniques et tactiques simples leur ouvre de nouvelles perspectives pour lutter avec et contre leurs partenaires en toute sécurité.
Savoir se défendre n’est pas seulement indispensable dans l’optique de l’affrontement physique proprement dit. Une délimitation claire face aux rapprochements indésirables (questions intimes par exemple) s’avère très importante aussi pour sa propre sécurité. Grâce à des exercices d’affirmation de soi et des techniques de défense personnelles, les élèves apprennent à reconnaître et verbaliser leurs propres limites. Ces exercices produisent des effets bénéfiques et renforcent notamment la confiance en soi (conscience de soi, assurance, maîtrise de la peur; Brecklin, 2008).
Pour pouvoir se défendre avec courage, il est aussi très important de savoir tomber. Une chute maîtrisée constitue la condition préalable pour les techniques de projection debout. Elle suppose l’apprentissage et l’automatisation de différentes techniques de chute. Les jeux de lutte et la lutte proprement dite mettent l’organisme et l’appareil locomoteur à rude épreuve. L’expérience du contact physique direct est particulier. Lutter ou combattre consistent avant tout à jouer avec l’équilibre et la tension corporelle. L’objectif est de déséquilibrer l’adversaire tout en gardant – ou en rétablissant immédiatement – son propre équilibre. Une mission qui peut se transposer symboliquement dans la vie quotidienne.
Conception méthodologique
Il est judicieux de construire méthodologiquement les jeux de lutte pour permettre aux enfants d’expérimenter dans un premier temps les contacts corporels, de les accepter, de développer la propension à collaborer et la confiance mutuelle. Dans un deuxième temps, les filles sont invitées à mesurer leurs forces de manière ludique, avec des jeux de «pousser et tirer» par exemple. Puis on élargira le répertoire avec des jeux de lutte pour un objet ou pour gagner de l’espace ainsi qu’avec des tâches qui jouent avec les modifications posturales.
Si l’on considère la pyramide méthodologique (Sigg, Teuber, 1998, voir illustration ci-contre), les chutes et les projections debout, de même que les déplacements posturaux de l’adversaire au sol, n’interviennent que dans l’étape suivante. Tous les exercices et jeux – ou presque – présentés dans ce chapitre peuvent être aménagés sous différentes formes sociales et intensifiés ou adoucis si nécessaires. L’adversaire peut être choisie en fonction de la forme sociale et l’engagement de chacune bien dosé. La réflexion personnelle, la coopération ou encore le développement de tactiques peuvent aussi être sollicités.
Sécurité avant tout
Pour tous les exercices, la sécurité des élèves reste la priorité. Lutter contre une camarade présuppose savoir lutter avec elle. C’est pourquoi il est important que les filles connaissent, comprennent et appliquent les rituels choisis par l’enseignant ou l’entraîneur. De plus, elles doivent connaître les règles, les respecter et éventuellement les modifier un peu plus tard (voir aussi la liste de contrôle ci-dessous).
Liste de contrôle «Sécurité»
- Risque de blessure: Enlever bijoux et chaussures. Selon les jeux organisés, prévoir des matelas.
- Observation des règles: Faire comprendre aux élèves que le non-respect des règles n’est absolument pas toléré. L’enseignant joue ici un rôle primordial. En établissant des règles claires et en instaurant une atmosphère sereine, il contribue pleinement au succès de la leçon. L’intervention immédiate de l’enseignant ou de l’arbitre est indispensable.
- Rituels: Définir un ensemble de rites; les actions répétitives, comme les cérémonials de salut avant le combat, les gestes, comme la poignée de main qui marque le début du combat, ou le fait d’aider son adversaire à se relever à la fin du combat constituent au fil du temps une chaîne de rituels qui agissent de façon positive sur le déroulement de la leçon et sur la bonne entente des élèves.
- Signal d’arrêt: Convenir d’un signal distinct si l’un des adversaires ressent une douleur, auquel cas le combat doit être immédiatement interrompu.
- Egalité des chances: Donner à chacun la possibilité de vivre une expérience de réussite. C’est notamment très important dans la forme du combat à deux. C’est pourquoi l’enseignant veillera à tenir compte, lors de la composition des équipes, de la force, de la taille et du poids des élèves.