Le principe «InSpot»
L’éducation physique inclusive stimule les enfants avec et sans handicap. Elle propose des expériences motrices communes sans pour autant négliger les spécificités de chacun. L’outil de planification pour l’éducation physique «InSpot» accompagne la conception d’un enseignement inclusif et offre un recueil de bonnes pratiques.
L’éducation physique inclusive se nourrit d’expériences motrices, de résolutions de problèmes et d’adaptations individuelles. Partant de cela, «InSpot» s’avère un précieux outil en vue de planifier des contenus et de réfléchir à la mise en œuvre de l’enseignement. De plus, «InSpot» donne des pistes pour l’analyse individuelle du développement et du mouvement et permet de collecter nombre d’exemples pratiques qui ont fait leurs preuves.
Un enseignement inclusif optimal encourage les expériences motrices communes grâce à des adaptations didactiques et méthodologiques tout en respectant les spécificités des enfants avec ou sans handicap. Cette vision de l’enseignement repose sur le délicat équilibre entre le principe de relation (moins – moins vite – moins loin) et le principe de performance (plus – plus vite – plus loin).
Simultanément s’ouvre le champ de tension entre l’aspiration à un développement personnel et l’adaptation de la discipline, afin que participation, sentiment d’auto-efficacité et réussite puissent Etre vécus au travers du sport. Les élèves reconnaissent aussi bien leurs convergences que leurs différents atouts, et ils apprennent à accepter les conditions d’apprentissage hétérogènes à l’intérieur de la classe. Une ouverture à la diversité de la part de l’enseignant et la connaissance des processus sociaux favorisent le développement de relations stables et positives entre les participants.
Créer de nouvelles relations au mouvement
Le handicap ne se situe pas dans la personne mais entre les personnes. Les enfants et les adolescents, avec et sans handicap, vivent le mouvement et le sport selon différentes relations au mouvement. Il n’est pas obligatoire que toutes les activités soient toujours pratiquées ensemble. En fonction de la situation, les contenus peuvent Etre thématisés dans différents groupes ou individuellement. La gestion judicieuse des différentes relations au mouvement est l’un des critères d’un enseignement inclusif réussi. «InSpot» distingue les relations au mouvement suivantes (Weichert, 2008):
- Subsidiaires – bouger avec soutien: Adapter l’aide aux besoins et demandes des élèves.
- Coexistantes – bouger côte à côte: Se mouvoir dans un espace commun, de manière plus ou moins indépendante, sur le même thème.
- Coactives – bouger ensemble: Créer un produit commun avec un haut degré de liberté individuelle.
- Coopératives – bouger ensemble: Créer un produit commun avec un haut degré d’engagement et de concertation.
Elaborer des stratégies de résolution
Une éducation physique inclusive porteuse de sens repose sur différentes stratégies qu’«InSpot» a ainsi distinguées (Weichert, 2008):
- Homogénéisation: Les groupes sont formés en fonction de capacités motrices comparables (exemple: jeu des zones).
- Répartition des rôles: Les mouvements et les tâches sont choisis en fonction des capacités et des habiletés motrices individuelles (exemple: danse).
- Compensation: Les prédispositions différentes sont rééquilibrées de diverses manières: aide des partenaires, moyens auxiliaires, adaptation des règles ou du matériel (exemple: rafroball)
- Valorisation des différences: Les caractéristiques individuelles déterminent le thème du jeu ou de la leçon. Les particularités augmentent l’attractivité de la tâche et permettent de mettre en valeur les atouts (exemple: au badminton, compter les touches au corps).
- Hasard et chance: L’intégration d’éléments aléatoires relègue les différences à l’arrière-plan (exemple: le but marqué rapporte le nombre de points obtenus au lancer du dé).
Aménager des adaptations
L’éducation physique inclusive se nourrit d’adaptations dans plusieurs domaines. Il existe différents modèles pour structurer les adaptations. «InSpot» s’appuie sur le modèle 6+1 d’un enseignement du sport adaptatif (Tiemann, 2013) et complète les six champs d’adaptations avec un septième chapitre «Engins spéciaux + moyens auxiliaires» (par exemple: Häusermann, 2018). Appartiennent à cette dernière catégorie les dispositifs développés spécifiquement pour répondre aux différentes déficiences motrices.
Exemples: un système de crochet pour les raquettes de badminton (de tennis de table et de tennis aussi, cannes d’unihockey) en cas d’amputation de l’avant-bras, ou la canne pour indiquer le rebord du bassin aux nageurs souffrant d’une déficience visuelle. Les orthèses, prothèses et fauteuils roulants spécialement développés pour la pratique sportive, de même que les agrès adaptés s’avèrent très précieux pour optimiser l’activité physique et motrice des personnes avec handicap.
- Définition de la tâche: Par exemple, démontrer les mouvements et modifier un élément après l’autre.
- Communication: Par exemple, faciliter la perception des mouvements grâce à des bruits ou à la voix.
- Cadre d’apprentissage: Par exemple, réduire les éléments perturbateurs pour favoriser l’attention.
- Règles: Par exemple, augmenter le rayon d’action grâce à des règles individuelles.
- Forme sociale: Par exemple, rendre possible le mouvement grâce à une aide (tandem).
- Matériel: Par exemple, utiliser des balles de couleur vive pour les rendre plus visibles.
- Engins spéciaux et moyens auxiliaires: Par exemple, soutenir la communication avec le langage des signes.
Tenir compte des prédispositions individuelles
De grandes différences au niveau des capacités physiques et psychiques peuvent vite conduire à des situations insurmontables ou au contraire pas assez stimulantes. Il est donc essentiel de bien planifier l’intensité et la répartition des charges, sans oublier les pauses. L’enseignant doit aussi veiller à modifier un seul élément à la fois afin de garantir la qualité du mouvement. Les rituels permettent par ailleurs de donner une structure plus claire et intelligible à l’ensemble.
Les enfants et les adolescents avec une déficience innée, acquise ou évolutive s’appuient sur des prédispositions différentes pour construire et développer leurs conduites motrices. Sur la base des fonctions sensorimotrices, cognitives et psychiques disponibles, les nouveaux apprentissages et réapprentissages, la compensation créative et le rééquilibrage des asymétries représentent des points clés au sein de l’action motrice.
Différents troubles au niveau des compétences de perception, de jugement, de décision et d’action chez les enfants et les adolescents présentant des déficiences cognitives, des troubles de la perception ou du comportement, des troubles liés au spectre de l’autisme, peuvent réduire la capacité d’autocontrôle et l’appréciation du danger.
L’éducation physique inclusive implique la gestion de situations d’apprentissage ouvertes, l’encouragement de la créativité et la transmission de capacités et habiletés favorisant l’apprentissage autodirigé. Les enfants et les adolescents souffrant de troubles du spectre de l’autisme, de troubles de la perception, du comportement ou de déficience cognitive ont particulièrement besoin d’accompagnement. Häusermann, Bläuenstein et Zibung (2014) de même que Giese et Weigelt (2017) donnent des conseils ciblés pour l’enseignement du sport en fonction des différents troubles qui affectent les enfants et les adolescents.
Mesurer et comparer
Le sport offre aux jeunes une plateforme idéale pour améliorer leur capacité de performance et pour se mesurer aux autres. Dans cette optique, la comparaison avec ses propres performances, la compensation des déficits, le système des différences et le système des points se prêtent bien à l’éducation physique inclusive.
- Comparaison avec sa propre performance: L’élève consigne dans un carnet ses expériences et résultats personnels. Il peut ainsi établir des comparaisons et mesurer ses progrès.
- Compensation des déficits: En contrebalançant les désavantages liés un handicap – au niveau de l’organisation ou du contenu, ou en lien avec le tableau d’évaluation –, la comparaison des performances est facilitée. Au saut en longueur par exemple, un élève avec une déficience visuelle bénéficiera d’une zone d’appel à la place de la planche officielle (compensation au niveau du contenu), ou il sera guidé acoustiquement par une personne en soutien (compensation au niveau de l’organisation). Le résultat peut aussi Etre multiplié à l’aide d’un facteur (compensation sur la base d’un tableau d’évaluation) comme dans le sport paralympique.
- Système des différences: Lorsqu’il y a deux manches ou deux essais avec une petite pause intermédiaire, l’élève qui se rapproche le plus de son premier résultat, voire qui égalise sa performance (sur 50 mètres nage par exemple), a gagné. Ce système favorise la capacité d’autoévaluation. Pour un jeu comme le handball par exemple, on compte les points à rebours lors de la seconde manche et la première équipe qui se retrouve à zéro remporte la partie.
- Système des points: Des points de 1 à 4 sont attribués à chaque joueur en fonction de l’importance du handicap dans l’activité pratiquée: un point pour les joueurs avec le plus grand handicap, quatre pour ceux qui n’en ont aucun. Le nombre maximal de points est ensuite déterminé pour former les équipes. Ce système est utilisé entre autres pour le basketball en fauteuil roulant ou le powerchair hockey.
«InSpot» – l’outil de planification
L’enseignement du sport inclusif stimule les enfants avec et sans handicap. Elle propose des expériences motrices communes sans pour autant négliger les spécificités de chacun. L’instrument de planification «InSpot» accompagne la conception d’un enseignement inclusif et offre un recueil de bonnes pratiques.
«InSpot» permet de questionner et de planifier l’éducation physique inclusive de manière différenciée en tenant compte des compétences individuelles. L’accent peut Etre mis aussi bien sur une activité particulière, sur les élèves en tant qu’individus ou en tant que membres d’une classe ou d’un groupe. Le premier document décrit l’activité en regard de son potentiel d’inclusion. Le deuxième propose une démarche pour l’observation individuelle systématique et pour une réflexion sur son propre engagement dans l’activité. Le troisième se présente sous la forme d’un diagramme en toile d’araignée pour déterminer le profil moteur des enfants.
Activité: Dans ce document (doc) est décrite l’activité motrice avec des variantes plus faciles et plus difficiles. La marge permet d’un côté de relier l’activité aux perspectives pédagogiques et aux domaines de compétence. D’autre part, elle sert à classifier l’activité en fonction des relations au mouvement, des stratégies d’action pour faciliter la participation et des adaptations individuelles dictées par les prédispositions des enfants. Cet espace donne aussi la possibilité de noter les différentes observations. L’enseignant peut ainsi constituer un répertoire de jeux et d’exercices inclusifs en fonction de l’activité motrice privilégiée. Suivant l’accent porté sur la classe ou sur l’enfant, il peut planifier, documenter et évaluer les processus de la participation à l’activité.
Observation axée sur le développement: Ce document (doc) propose une démarche pour l’observation individuelle systématique et pour une réflexion sur son propre engagement dans l’activité. Il cible l’évolution des enfants dans différents domaines: comportement, apprentissage, motricité et jeu. A l’aide des critères d’observation, des accents spécifiques sont mis en évidence. Une description détaillée des différents domaines de développement et des critères d’observation est proposée dans la littérature mentionnée.
Description qualitative du mouvement: Le profil moteur des enfants – qualitatif et situationnel – est déterminé à l’aide du diagramme en toile d’araignée (pdf). Les critères suivants y figurent: fluidité du mouvement, objectif du mouvement, variation du mouvement, amplitude du mouvement et dynamique du mouvement. Les critères sont formulés par des énoncés allant de l’intérieur («ne correspond pas du tout») à l’extérieur: («correspond tout à fait»). En reliant les différents points, on obtient le profil moteur qui servira de base pour identifier les progressions et le potentiel de progression et ainsi définir les objectifs d’apprentissage. Dans l’optique d’une orientation vers les ressources, deux questions se posent:
- Comment ai-je réussi à placer tel point à l’extérieur?
- Que puis-je faire / que peut faire mon entourage pour que les points se déplacent encore plus vers l’extérieur?
Les deux questions peuvent aussi se poser (en les adaptant ou les modifiant légèrement) dans les domaines de l’observation axée sur le développement (voir deuxième document ci-dessus).
Le diagramme en toile d’araignée complété par l’enfant ou l’adolescent lui permet de confronter sa propre perception avec celle des autres et d’identifier les points communs et les différences. La prise de conscience des convergences et des divergences représente un élément essentiel de la réussite de l’éducation physique inclusive.
En résumé
L’éducation physique inclusive se nourrit de méthodes d’enseignement diversifiées et créatives qui rendent possibles la participation des enfants avec et sans handicap dont les prédispositions initiales sont très différentes. Etre acteur dans le cadre de la leçon de sport contribue grandement à l’acceptation et à la reconnaissance des enfants et des adolescents en situation de handicap – et cela se répercute en dehors de l’activité sportive.
La fiche d’activité «InSpot» permet aux enseignants de constituer leur propre répertoire d’exercices et de les partager avec leurs collègues. «InSpot» entend ainsi faciliter la planification de l’enseignement inclusif et donner des pistes pour l’observation du développement individuel et des processus moteurs.
L’inclusion est un processus individuel et social. L’outil de planification «InSpot» doit être adapté, modifié et développé en fonction des particularités personnelles, situationnelles et culturelles de chaque école.