Psychologie du sport – Développer la personnalité d’entraîneur

Première partie – Caractéristiques et motivations

«Je suis comme je suis»: voilà ce qu’a récemment déclaré un entraîneur à son athlète. Ce mode de pensée a bien fonctionné durant de nombreuses générations. Aujourd’hui cependant, les jeunes athlètes souhaitent des coachs flexibles, qui sortent de leur zone de confort, se remettent en question et adoptent le «mode développement». Dans une série composée de trois parties, nous allons nous intéresser de près à la personnalité de l’entraîneur.

Blog de la Formation des entraîneurs Suisse

La Formation des entraîneurs Suisse développe en permanence son offre numérique et soutient ainsi les entraîneurs du sport de performance et du sport d’élite suisses dans leur travail quotidien. Pour ce faire, nous publions régulièrement ici des articles de blog passionnants ainsi que des trucs et astuces pour l’entraînement et la compétition issus de différents domaines de spécialisation de la Formation des entraîneurs Suisse.

Avec ses joueurs du Bayer Leverkusen, Gerardo Seoane est constamment en mode développement.
Avec ses joueurs du Bayer Leverkusen, Gerardo Seoane est constamment en mode développement. Source: ©Keystone-dpa.

Auteurs:  Philipp Schütz, responsable du cursus d’entraîneur professionnel de la Formation des entraîneurs Suisse; Dr. Stephan Horvath, section Sport d’élite de la HEFSM, Psychologie du sport

Vous vous êtes certainement déjà demandé si votre personnalité d’entraîneur était adaptée aux exigences du sport de performance et du sport d’élite. Êtes-vous assez ouvert, organisé, motivant, compréhensif et pondéré? C’est sans surprise que les recherches actuelles montrent qu’il n’existe pas une personnalité d’entraîneur parfaite. Les résultats révèlent toutefois que le développement de la personnalité fait autant partie du parcours de l’entraîneur que sa formation professionnelle.

Lors d’une interview avec la Formation des entraîneurs Suisse, Gerardo Seoane, ancien entraîneur principal du BSC Young Boys et coach actuel du Bayer Leverkusen en Bundesliga, aborde ce sujet: «Dans ce métier, il vaut mieux réaliser rapidement l’ampleur de la tâche. Il y a un nombre incalculable de domaines dans lesquels il faut rester à jour, peaufiner ses compétences. En se mettant en mode développement, on est certain d’être sans cesse mis au défi et d’évoluer – ce qui est génial!»


Notre personnalité: un puzzle complexe

Notre personnalité: un puzzle complexe
Ill. 1: Stephan Horvath, en référence à McAdams & Pals, 2006.

Comprendre notre personnalité – mais aussi celle de nos athlètes – nous permet d’expliquer nos comportements, mais aussi de réussir à développer nos traits de caractère. Dans cette série, nous allons nous intéresser à quelques éléments clés de la personnalité

  • Caractéristiques: Elles décrivent le type d’entraîneur et les comportements.
  • Motivations, estime de soi et valeurs: Les motivations individuelles (p. ex. avoir une bonne estime de soi) ou les valeurs qui comptent pour un entraîneur engendrent des comportements spécifiques.
  • Rôles: Les différents rôles qu’un entraîneur incarne requièrent des comportements différents.
  • Histoire personnelle: Raconter notre propre histoire révèle quels ont été les événements importants pour nous en tant qu’entraîneur et nous éclaire quant à notre personnalité.
  • Culture/Situation: La culture (sportive) indique si un comportement donné est attendu ou accepté et toléré.

Caractéristiques: voilà ce qui me distingue!

Les recherches ont démontré que la personnalité pouvait se définir d’après cinq dimensions fondamentales.

Figure: Big Five, ou le modèle des cinq facteurs de la psychologie de la personnalité
Ill. 2: Big Five, ou le modèle des cinq facteurs de la psychologie de la personnalité.
Grafique: modèle OCEAN
Ill. 3: Les Anglo-saxons parlent aussi du modèle «OCEAN», acronyme composé de la première lettre de chacun des cinq facteurs de la personnalité.

Quelles caractéristiques sont utiles?

Toutes – tout dépend de la situation! Chaque trait de caractère peut avoir ses avantages et ses inconvénients pour les entraîneurs. Voici quelques exemples concrets:

Ouverture à l’expérience

  • Très marquée: Les entraîneurs trouvent sans cesse de nouvelles manières de faire et de nouvelles solutions, et ils font preuve d’inventivité et de curiosité pour relever les défis de l’entraînement et de la compétition. A vouloir trop chercher les approches novatrices, il peut toutefois leur arriver de se disperser.
  • Peu marquée: Les entraîneurs restent cool et ne se précipitent pas sur chaque nouvelle méthode à la mode. Ils ne remettent pas toujours tout en question. Toutefois, ils peuvent aussi être trop conservateurs et trop prudents, ce qui les empêche de trouver une solution.

Caractère consciencieux

  • Très marqué: Les entraîneurs ont une structure/ligne de conduite claire, ils sont efficaces et organisés, ce qui leur permet de donner à leurs athlètes un sentiment de sécurité et de fiabilité. Cependant, leur manque de flexibilité et de spontanéité risque aussi de leur faire manquer des occasions.
  • Peu marqué: Les entraîneurs sont insouciants et détendus, ils prennent les choses à la légère. Ils peuvent du coup se montrer chaotiques ou négligents et manquer des étapes ou tâches importantes dans le processus de développement.

Extraversion

  • Très marquée: Les entraîneurs motivent leur équipe, vont de l’avant, se montrent sociables et répandent une bonne ambiance. Il arrive toutefois qu’ils occupent trop le devant de la scène.
  • Peu marquée: Les entraîneurs laissent beaucoup d’espace aux athlètes, se consacrent plutôt à l’observation. Mais leur influence sur l’ambiance d’équipe est réduite, ils sont trop passifs, réservés et sur la retenue. 

Agréabilité

  • Très marquée: Les entraîneurs mettent les athlètes au centre, sont empathiques, coopératifs et amicaux; ils délèguent volontiers des responsabilités. Ils se montrent parfois aussi naïfs ou susceptibles et ils peuvent perdre l’objectif de vue.
  • Peu marquée: Les entraîneurs sont compétiteurs. Ils font preuve d’une grande solidité émotionnelle et se font parfois aussi passer avant leurs athlètes. La coopération et la collaboration ne sont pas toujours faciles, ils ont peu de feeling avec les athlètes. 

Neuroticisme

  • Très marqué: De par leur caractère émotif, les entraîneurs demandent à leurs athlètes une grande capacité d’adaptation; on ne sait jamais comment l’entraîneur va agir. Ce comportement peut aussi être énergivore et parfois blessant. 
  • Peu marqué: Les entraîneurs sont stables et ont confiance en eux, ils agissent de manière cohérente et posée. Ils donnent un sentiment de routine; les surprises qui nécessiteraient peut-être que les athlètes s’adaptent sont rares. 

Pistes de réflexion

  • Quels sont les traits de caractère utiles/requis dans ton quotidien d’entraîneur et lesquels sont marqués chez toi?
  • Quelles caractéristiques aimerais-tu «tester» davantage?

Motivée! Marisa Wunderlin, alors entraîneur de l'équipe féminine des BSC Young Boys.
Motivée! Marisa Wunderlin, alors entraîneur de l’équipe féminine des BSC Young Boys. Source: ©Keystone-sda

Motivations: voilà ce qui me fait avancer!

En tant qu’entraîneurs, nous avons des besoins fondamentaux et des motivations similaires, mais qui peuvent être plus ou moins marqués. Les motivations sont ce qui dicte notre comportement. Connaître le motif qui nous anime nous permet de mieux comprendre notre propre comportement et celui d’autrui. Lorsque l’une de nos motivations est satisfaite, elle passe à l’arrière-plan et d’autres prennent sa place.

Les besoins fondamentaux désignent ce dont nous avons tous plus ou moins besoin: le sentiment d’appartenance, la compétence et l’autonomie. Lorsqu’ils sont satisfaits, nous nous sentons bien, nous sommes motivés et prêts à aller de l’avant.

Figure: Théorie de l’autodétermination selon Ryan et Deci
Ill. 4: Théorie de l’autodétermination selon Ryan et Deci [2000:72]

«Now tell me, what is it that you truly desire?»

Source: NETFLIX: LUCIFER

Outre les besoins généraux, les entraîneurs ont aussi des motivations totalement personnelles:

  • Curiosité: J’ai constamment envie d’apprendre quelque chose de nouveau dans mon travail d’entraîneur.
  • Statut ou pouvoir: En tant qu’entraîneur, je veux être respecté et reconnu, et pouvoir influencer les autres.
  • Relations: Je veux travailler avec d’autres personnes.
  • Indépendance: Je veux exercer mon activité d’entraîneur de manière indépendante.
  • Idéalisme: Mon travail dans le sport doit contribuer à un monde meilleur (dans ma discipline).
  • Performance: Je veux gagner.
  • Vengeance: Je veux montrer à mes détracteurs de quoi je suis capable.

Pour lire davantage sur ce sujet

Trois éléments sont décisifs pour transposer dans la pratique ses propres motivations théoriques:

  • Toute motivation peut être moteur de performance.
  • Une manifestation particulièrement forte ou particulièrement faible de ses motivations témoigne d’une forte volonté de réussir.
  • Une motivation n’est jamais totalement isolée; il ne faut pas négliger la combinaison des différentes motivations entre elles.

Pistes de réflexion

  • Quelles sont les motivations qui te font agir?
  • Quelles sont les motivations que ton travail d’entraîneur peut satisfaire?

Interéssant!

Si l’estime de soi est une caractéristique, sa recherche ou son entretien constituent des motivations. Il s’agit là d’un thème essentiel pour les entraîneurs et leurs athlètes, raison pour laquelle nous vous proposons quelques réflexions à ce sujet.

Comment évalues-tu ton estime personnelle?

L’estime de soi est soumise à des fluctuations. Pour l’évaluer, il ne faut pas se fier à une seule source (p. ex. le rôle d’entraîneur). L’estime de soi correspond à notre besoin de se sentir compétent, utile et apprécié des autres. Pour se forger une estime de soi solide, il faut disposer d’un entourage valorisant, qui accorde sa confiance et son soutien.

Pistes de réflexion

  • Quelles sont les sources (personnes, entourage) qui déterminent ton estime personnelle?
  • Ton estime personnelle dépend-elle d’un seul domaine? (danger: peu de potentiel de compensation)

Sources possibles d’estime de soi pour les entraîneurs

Estime de soi liée à la performance: Résultats, développement des athlètes, travail d’entraîneur

Estime sociale: Famille, amis, staff, club

Estime émotionnelle: Maîtrise des défis, stabilité

Estime corporelle: Apparence sportive, aptitudes physiques (modèle)


A ne pas manquer

A venir

  • Troisième partie: Ethique et récit d’une vie

«Pas d’évolution sans autoréflexion»

Dans une série en quatre parties, la Formation des entraîneurs Suisse a abordé en 2020 le thème de l’autoréflexion.

Sources et bibliographie complémentaire