Principes de l'entraînement de la force
Quand on évoque l’entraînement de la force surgissent inévitablement des images de sportifs faisant rouler leurs muscles surdimensionnés face aux miroirs des studios de fitness. Cette vision caricaturale néglige les énormes avantages d‘un renforcement ciblé.
La plupart des adeptes ne cherchent pas uniquement à améliorer leur aspect physique ou à optimiser leur bilan calorique. Les bénéfices en termes de santé, désormais bien attestés par les études scientifiques, jouent en effet un rôle croissant.
Une musculature robuste et équilibrée constitue un élément majeur de notre condition physique, car elle soutient tous nos mouvements. Ce n’est donc pas un hasard si le renforcement musculaire est désormais mis en œuvre de manière spécifique dans presque tous les sports.
Connaître pour transmettre
Le gros avantage de l’entraînement de la force repose notamment sur la possibilité de doser très spécifiquement les charges et d‘isoler certains muscles ou groupes musculaires, ce qui permet de s’exercer même en cas de blessure. Si une pratique correcte recèle de nombreux avantages, il faut admettre que les risques existent pour les personnes qui se lancent dans un entraînement sans aucune connaissance préalable. Les centres de fitness proposent certes une petite introduction, mais elle reste souvent trop superficielle et unique.
Alors que la plupart des sports sont régis par des règles précises, l’entraînement de la force laisse souvent les pratiquants seuls face à leur tâche, avec le risque de perdre peu à peu leur motivation en raison de progrès insuffisants ou de doutes quant à la pertinence de leur entraînement. Comme pour toute activité sportive, l’entraînement de la force requiert de bonnes connaissances scientifiques de base chez les enseignants d’éducation physique afin qu’ils puissent élaborer des programmes cohérents. Voici quelques concepts fondamentaux à connaître pour s‘orienter.
Notions de base pour une unité d‘entraînement
Une unité d’entraînement se compose toujours d’un exercice au moins, de plusieurs répétitions, de séries et de pauses. Quelques principes:
Un exercice est un mouvement spécifique et orienté vers un objectif qui sollicite des muscles bien définis.
Important: il n’existe pas d‘exercices essentiels et «magiques». Chacun est interchangeable. Tant qu’un exercice cible la même fonction anatomique (par exemple: développé-couché ou presse à pectoraux), il sollicite le muscle visé de la même manière. Rappelons ici que l’entraînement avec des poids libres ou celui de son propre corps s’avère plus efficace que les machines pour renforcer le tronc et les petits muscles stabilisateurs comme ceux de la ceinture scapulaire par exemple. Sur le principe, il est plus judicieux de réfléchir en termes de mouvements plutôt que de se focaliser sur les exercices. En effet, chaque muscle squelettique est impliqué dans des mouvements spécifiques et il remplit certaines fonctions anatomiques. Si deux exercices ciblent la même fonction, ils peuvent donc se substituer l’un à l’autre. Voilà pourquoi on ne peut dégager le meilleur exercice!
Une répétition est un schéma qui se réplique lors de la réalisation d’un exercice.
Le mouvement comprend un début et une fin. Entre les deux se déploie le chemin. L’exercice du squat, par exemple, se décompose en trois positions (voir photo ci-contre): jambes tendues (debout en appui sur le sol) – position accroupie – jambes tendues (debout en appui sur le sol).
Il faut veiller, pour chaque série, à solliciter le muscle à la limite de la charge maximale afin de favoriser sa croissance. Il a été démontré que l’effet maximal était obtenu avec huit à 20 répétitions. Quand on dépasse 20 répétitions, ce n’est plus la croissance du muscle qui prédomine mais ses capacités d’endurance, avec une consommation maximale d’oxygène accrue et une meilleure résistance au lactate. Avec sept répétitions et moins, on améliore avant tout la commande neuronale des muscles, facteur déterminant pour développer la force explosive. Par contre, cette modalité s’avère peu propice à la prise de volume, à moins de jouer sur le nombre de séries. Ainsi, il est possible d’enchaîner seulement cinq appuis faciaux ou deux tractions à la barre par exemple, mais d’effectuer un grand nombre de séries, ce qui permettra d’obtenir la stimulation nécessaire à la croissance du muscle.
Une série correspond à la totalité des répétitions effectuées à la suite.
Une série doit être interrompue au plus tard lorsque le muscle a atteint ses limites «techniques», c’est-à-dire quand l’exercice ne peut plus être réalisé correctement en raison de l’épuisement. A ce moment, d’autres groupes musculaires prennent le relais du muscle que l’on souhaitait travailler.
La pause correspond à la période entre deux séries.
Etant donné que c’est toujours le muscle cible qui représente le facteur limitant, il est contre-productif de vouloir écourter les pauses. La durée de la pause module les processus de récupération et varie en fonction des objectifs: 90 secondes à trois minutes pour l‘hypertrophie, trois à cinq minutes pour la force maximale et la force-vitesse.
Principes de base pour l‘entraînement
- Comme pour toute activité sportive, le plaisir occupe une place centrale dans l’entraînement de la force. Il est donc judicieux de choisir des exercices motivants susceptibles d’être répétés sur une longue période. Combiner des exercices pour les jambes, les bras et le tronc permet par exemple de briser la monotonie. Autre élément important: solliciter équitablement les muscles agonistes et antagonistes grâce à l’équilibre entre les exercices de flexion et d’extension, respectivement de traction et de pression.
- La parfaite exécution technique de chaque répétition est une priorité absolue. Elle permet d’une part de réduire le risque de blessure et de s‘assurer d’autre part que l’on entraîne bien le muscle ciblé.
- Recommandations: 10 à 20 séries par groupe musculaire et par semaine, le tout réparti en deux ou trois séquences. Dans l’idéal, entre six et 12 répétitions par série. Les débutants commencent avec les charges les plus basses.
- Le volume d’entraînement diffère d’une personne à l’autre et doit donc être individualisé.
- Les objectifs personnels déterminent la forme et les modalités de l‘entraînement.
- Les débutants, surtout, devraient entraîner plusieurs fois le même muscle durant la semaine. Cela permet d’améliorer la technique et donc la performance, source essentielle de motivation.
Connaissances fondamentales
Facteur principal: le volume
Les études récentes tendent à montrer que le volume d’entraînement serait le facteur le plus déterminant pour le développement du muscle et de la force. Dans l’entraînement de la force, le volume désigne l’unité avec laquelle on peut mesurer la quantité de travail. Pour cela, on a besoin d’un jalon permettant de suivre la progression. Le volume, appelé aussi «workload» dans le jargon scientifique, se rapporte toujours au muscle – ou groupe musculaire – isolé. Il est défini ainsi:
Volume (workload) = Poids x Séries x Répétitions
Exemple: Si une personne effectue quatre séries de dix répétitions de squats avec une charge de 100 kg, cela correspond à un volume de 4000 kg pour les muscles de la cuisse (100 kg x 4 x 10 = 4000 kg). Pour les exercices réalisés avec le poids du corps, il suffit de retirer le poids dans le calcul et de multiplier simplement le nombre de séries par le nombre de répétitions. Exemple: trois séries de 12 répétitions de tractions à la barre correspondent à un volume de 36 répétitions. En règle générale, on calcule le volume d’entraînement hebdomadaire. Ainsi, Lucas qui effectue des tractions à la barre deux fois par semaine à raison de cinq séries de huit répétitions cumule un volume de 80 répétitions (2 x 5 x 8).
Facteur limitant pour le développement musculaire: les lésions musculaires consécutives à un volume inadapté
Le développement musculaire maximal est obtenu avec le plus gros volume que le corps est capable de supporter. Mais attention à ne pas surestimer ses forces, car si la récupération est incomplète à l‘entame de la séance suivante, l’effet peut s’inverser avec une diminution de la masse musculaire. Ce cas extrême s’explique par les petites lésions musculaires induites par l’exercice qui n’ont pas eu le temps de se réparer avant la charge suivante. Différentes études plaident pour un volume de 10 à 20 séries de six à 12 répétitions par groupe musculaire. A noter que les débutants démarrent leur entraînement avec le nombre de séries le plus bas avant de les augmenter progressivement. Plus les sportifs sont entraînés, plus le volume de travail doit être conséquent pour stimuler la croissance musculaire. Lorsque le volume ne peut plus augmenter, il s’agit alors d‘opter pour d’autres méthodes d’entraînement et types de stimulations.
Quel est le volume optimal?
Il est impossible de définir au départ quel volume engendrera un développement optimal de la force. On peut toutefois l’évaluer de la manière suivante: prenons le cas de Lucas qui aimerait améliorer ses performances de tractions à la barre, avec l’objectif, entre autres, de développer ses muscles dorsaux. Actuellement, il s’entraîne deux fois par semaine avec le même programme: cinq séries de huit répétitions, ce qui correspond à un volume hebdomadaire total de 80 répétitions. Il pourrait aussi augmenter le nombre de répétitions, toujours avec cinq séries (exemple: 8/8/8/9/9 répétitions) ou alors ajouter des séries (exemple: six séries de huit répétitions). Dans ce cas, son volume hebdomadaire passerait de 80 à 96 répétitions. S’il récupère bien entre les deux séances, qu’il ne ressent pas de grosses courbatures et qu’il progresse, alors rien ne s’oppose à cette augmentation de volume. Au contraire: il optimisera la croissance musculaire en travaillant avec le plus grand volume supportable.
Lucas peut aussi modifier le volume hebdomadaire en ajoutant un poids annexe lors de ses tractions ou en effectuant une troisième séance, même raccourcie, avec deux ou trois séries par exemple.
Longueur des os: quel rôle dans le volume d‘entraînement?
On ne peut pas comparer le volume d’entraînement entre deux personnes en raison d’une caractéristique anatomique importante: la longueur des os. Lucas réussit à enchaîner un plus grand nombre d’appuis faciaux que Paul. Cela signifie-t-il que Lucas est plus fort? Pas nécessairement, car Paul a des bras bien plus longs que Lucas. Il doit donc effectuer un plus grand trajet lors de l’exercice.
La formule du volume pourrait donc être complétée ainsi:
Volume (workload) = Poids x Séries x Répétitions x Trajet
Toutefois, il est difficile de mesurer ce trajet et la comparaison des volumes entre personnes n’est pas très pertinente. On peut donc laisser tomber ce dernier critère sans problème.
Objectifs de l’entraînement de la force
La personne qui effectue un entraînement de la force poursuit deux buts avant tout:
- Le maintien de sa force et de sa masse musculaire.
- L‘augmentation de sa force et de sa masse musculaire.
Entraînement progressif
Nous nous pencherons sur le second objectif, car pour maintenir sa force et sa masse, cela suppose qu’on les ait développées au préalable. Certes, pour entretenir ses capacités de force, il faut aussi travailler avec assiduité, mais on peut réduire le nombre de séries par groupe musculaire. L’objectif final reste toujours la progression. Les progrès sont manifestes quand on est capable de soulever plus de poids et d’effectuer plus de répétitions et/ou de séries. Ainsi, lorsque l’on s’entraîne à la limite des capacités musculaires avec une technique correcte et que l’on soulève soudain une charge plus lourde, cela signifie que l’on a amélioré la coordination intra- et intermusculaire ou que l’on a gagné en masse musculaire. Précisons que chez les débutants, la progression passe d’abord par des adaptations intra- et intermusculaires. Une meilleure commande neuronale du muscle favorise le développement de la force en générant des stimuli appropriés.
Important: La progression résulte toujours du travail, pas d’un choix! Si Lucas réussit à enchaîner cinq séries de tractions à huit répétitions et qu’un mois plus tard, il fait de même avec une charge additionnelle de 5 kg, il peut se réjouir d’avoir gagné en force grâce au développement de sa musculature.
Causes de la stagnation
Il arrive que le sportif bute sur un exercice durant des semaines, incapable d’améliorer sa performance malgré les entraînements. Les causes sont souvent à rechercher parmi ces éléments:
- L’exercice n’est pas réalisé avec la bonne technique. Le muscle ciblé n’est donc pas sollicité correctement.
- Le volume est insuffisant pour engendrer les stimulus indispensables à la croissance musculaire.
- Les séries ne permettent pas de flirter avec le seuil limite indispensable à une adaptation neuromusculaire.
- Les pauses entre les exercices ou entre les séances sont trop courtes.
- Le sportif ne se nourrit pas correctement, ne dort pas assez et souffre d’un stress quotidien trop élevé.
Il faut être conscient que notre corps ne développe ses muscles que s’il y trouve un motif valable. Les gros muscles ne représentent pas un avantage en raison de la grande consommation en énergie nécessaire à leur accroissement et à leur entretien. Si notre organisme ne voit aucune raison de déclencher des adaptations suite à un entraînement, il ne fera rien pour augmenter la masse musculaire. Car nous disposons déjà des muscles nécessaires, seules les fibres qui le composent sont susceptibles de s‘épaissir. Et la bonne nouvelle pour les néophytes: ils peuvent assez rapidement augmenter leur masse musculaire. En effet, une personne qui n’a jamais réalisé d’appuis faciaux travaillera déjà à la limite de ses capacités musculaires – gage d’un stimulus approprié – avec une seule série. Le corps, mis sous stress par l’exercice, s’adapte en envoyant le bon signal en vue d’aborder la tâche plus facilement la fois suivante.
En règle générale, on peut dire cela au sujet de la progression: plus une personne progresse rapidement et facilement dans un exercice, plus elle est éloignée de son potentiel génétique.
Avec une augmentation du niveau d’entraînement, il est nécessaire de travailler plus (en volume) et d’appliquer des méthodes d’entraînement différenciées pour générer des stimulus pertinents.
Intensité de l‘entraînement
La pratique courante du bodybuilding consiste souvent à entraîner un seul groupe musculaire par unité d’entraînement. Par exemple, le lundi est consacré aux pectoraux, le mardi aux jambes, le mercredi au dos, etc. Ce découpage s’avère peu pertinent, car on sait qu’après un entraînement, la synthèse protéique à l’intérieur du muscle (le processus de «construction» musculaire ou anabolisme) reste élevée durant 48 à 72 heures. Cette fenêtre est propice au développement musculaire. Après cette période, il est donc possible de solliciter à nouveau les mêmes groupes musculaires avec de nouveaux stimulus.
Pour les débutants, il est particulièrement intéressant d’entraîner plusieurs fois par semaine le même muscle. Cela permet d’acquérir la bonne technique et d’éviter le risque de surcharge sur les articulations en raison de mouvements inadaptés. Si un néophyte s’astreint à des séries de squats une seule fois par semaine, il prendra plus de temps pour affiner la gestuelle. En outre, la performance diminue au fil des séries. Si Lucas devait enchaîner ses dix séries de tractions à la barre le même jour, il y a fort à parier qu’il coincerait déjà à la septième et qu’il ne serait plus capable de respecter le nombre de répétitions prévu. Par contre, en optant pour deux séances hebdomadaires de cinq séries chacune, il bénéficie d’un état de fraîcheur suffisant pour mener à bien sa tâche. Il favorise ainsi la synthèse protéique à l’intérieur de ses muscles dorsaux.