L'école, zone interdite?
Les enseignants adoptent parfois une attitude critique vis-à-vis du football. Pourtant, ce jeu regorge des situations pédagogiques qui ont leur place à l’école.
Le football occupe le devant de la scène sportive dans le monde. Même sans être un «fan de foot», on est inévitablement submergé d’informations relatives au championnat du monde 2006 ainsi qu’à l’EURO 08. Existe-t-il un autre sport qui touche autant de monde en Suisse?
L’Association suisse de football (ASF) compte environ 240’000 joueurs actifs. Et pourtant, ce sport est controversé à l’école et souvent exclu des heures d’éducation physique. Pourquoi?
Arguments boiteux
Les causes sont multiples. Beaucoup d’enseignants sont en fait des…enseignantes. Et elles n’ont pas toutes appris à jouer au football. Aussi ne s’estiment-elles pas compétentes dans cette matière, d’autant plus que de nombreux enfants jouent dans un club. Un grand nombre d’enseignants se demandent en outre si un jeu pratiqué aussi bien dans la cour de récréation que durant les loisirs a besoin encore d’être abordé à l’école.
Différence de niveau?!
Autre argument souvent avancé, la différence de niveau entre les élèves. Les expériences extrascolaires apportées par les élèves divergent davantage dans le football que dans les autres sports. Les enseignants doivent tenir compte de cette disparité souvent très marquée dans les aptitudes techniques et adapter leurs leçons en conséquence. Par ailleurs, l’image du maître de sport qui ne se prépare pas et se contente de «lancer un ballon dans la salle» n’a pas non plus contribué à améliorer le prestige du football à l’école…
Expériences des élèves
Mais est-ce qu’une situation difficile ou la crainte de manquer de compétences est une raison suffisante pour ignorer un jeu sportif revêtant une telle importance dans notre société? Heinz Gmür, maître du sport au gymnase de Berne-Neufeld et qui collabore à la formation des entraîneurs dans le cadre de l’ASF, répond par la négative.
Il aimerait encourager les enseignants à intégrer le football dans leurs cours. Cela ne le dérange pas qu’un maître joue parfois un rôle en retrait. Il voit plutôt l’aspect positif de la chose: «Le football fait partie des jeux auxquels on peut le mieux jouer, même lorsque l’enseignant lui-même est peu à l’aise en la matière. Les élèves apportent généralement leurs propres connaissances. Pour ma part, ilm’arrive de très peu siffler pendant certaines périodes. Les élèves sont capables de régler le jeu par eux-mêmes dans la plupart des cas.On peut tranquillement les laisser faire.»
Très accessible
Selon Heinz Gmür, l’avantage du football sur les autres jeux sportifs réside principalement dans ses prémices. «On peut jouer au football même lorsqu’on est peu doué techniquement. Durant les pauses et les loisirs, les enfants et les adolescents, dont un nombre croissant de filles, jouent plus volontiers au football qu’au volleyball, trop exigeant au plan technique.»
De plus, il ne requiert aucune infrastructure particulière. Un ballon et deux buts, pouvant être remplacés par quatre piquets de démarcation ou deux bancs suédois, suffi sent. Cependant, les classes où le niveau de jeu est hétérogène compliquent réellement l’enseignement, Heinz Gmür en est conscient. Mais il est aussi convaincu que «tous les élèves y trouvent leur compte si la conception des leçons et la répartition des groupes respectent quelques principes organisationnels.»
Véhicule de valeurs
En jouant au ballon, les élèves acquièrent de nombreuses compétences tactiques et techniques fondamentales dont ils pourront faire usage dans d’autres sports. «Les bases tactiques de l’unihockey et du football sont quasiment identiques», signale Heinz Gmür.
Les valeurs pédagogiques et sociales devant être transmises dans le cadre de l’enseignement du sport selon le programme scolaire peuvent aussi être véhiculées par le football: gagner ou perdre, respecter des règles, assumer un rôle assigné au sein d’une équipe et poursuivre un but commun avec ses coéquipiers; mais aussi faire preuve de respect envers l’adversaire.
Heinz Gmür insiste sur le fait que le football est une possibilité parmi d’autres pour enseigner l’esprit d’équipe et le fair-play. Ces objectifs peuvent être poursuivis, ni mieux, ni moins bien, grâce au football.
En voie de réhabilitation
«L’enseignement du sport ne doit pas consister uniquement à jouer au football. Il ne faut pas non plus lui accorder plus d’importance qu’aux autres jeux sportifs. Mais il serait bon que le football retrouve sa place dans les heures de sport. En fin de compte, le football est un volet important de notre culture sportive», résume Heinz Gmür.