Utiliser les sens
L’espace ne fait que rarement irruption dans la conscience: il apparaît par exemple quand nous sommes désorientés. Pourtant, il est partout présent… et chacun de nos gestes s’y inscrit. Il est dès lors utile de s’intéresser à la façon dont nous l’appréhendons.
S’adapter à un terrain accidenté, lire le jeu de l’adversaire, se déplacer en fonction des mouvements d’un autre, tenir compte des dimensions d’une surface de jeu, percevoir une trajectoire, prendre en considération certains effets de lumière ou la configuration du terrain,modifier systématiquement son point de vue au cours d’une suite de gestes précis… La qualité de toutes ces actions dépend largement de notre perception de l’espace. Mais comment tout cela fonctionne-t-il?
Des informations sensorielles à la perception
Pour percevoir l’espace, nous utilisons nos sens. Dans ce contexte, il faut notamment considérer:
- Les cinq sens traditionnels (la vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat), même s’il apparaît très vite que tous n’ont pas la même importance au niveau de la perception spatiale; la vue et le toucher jouent un rôle prédominant, l’ouïe également.
- La proprioception, qui renseigne sur la statique, l’équilibration et le déplacement du corps dans l’espace; elle englobe tous les capteurs qui se trouvent dans notre appareil locomoteur, notamment les fuseaux neuromusculaires et l’appareil de Golgi.
- La mesure des forces d’inertie par le biais de l’appareil vestibulaire, logé dans l’oreille interne.
Système nerveux central: véritable centrale
Le bon fonctionnement des organes sensoriels ne suffit toutefois pas à percevoir l’espace. En effet, si chaque organe sensoriel transforme des ondes extérieures ou des mécanismes intérieurs en influx nerveux, il faut encore organiser ces informations.
C’est là le rôle du système nerveux central, et notamment du thalamus (situé au centre du cerveau), qui fonctionne comme une véritable centrale intégrant les informations sensorielles. C’est ce travail d’intégration que l’on nomme perception, terme que P. Dietrich définit comme suit:«processus par lequel notre cerveau passe d’impressions sensorielles multiples à un véritable concept, en utilisant la capacité d’intégrer les différentes modalités sensorielles».
Entamer un travail sur la perception de l’espace, c’est donc se poser les questions suivantes: Quels sens nous permettent de percevoir l’espace, et comment?
Des compétences plus élaborées
Au-delà du fonctionnement de nos organes sensoriels et de nos mécanismes de perception,la maîtrise de l’espace requiert différentes compétences,notamment:
- La maîtrise de ses émotions: Comme le dit A. Berthoz, «il n’est pas de perception de l’espace, du mouvement, il n’est pas de vertige ou de perte d’équilibre, il n’est pas de caresse donnée ou reçue, de son entendu ou émis, de geste de capture ou de préhension, qui ne s’accompagne d’émotion ou qui n’en induise». Par conséquent, les personnes aux aptitudes émotionnelles bien développées perturbent leurs capacités de perception (spatiale) de façon minimale.
- La lecture de l’espace: Pour mieux «connaître» un espace, il faut développer des méthodes d’approche. Comme on déchiffre un texte dans ses premières années d’école, on peut apprendre à (mieux) lire l’espace, à (mieux) déchiffrer une situation tactique, etc.
- La mémoire de l’espace: Vivre dans l’espace implique une mémorisation, afin de pourvoir «réutiliser» cet espace, afin de pouvoir intégrer des éléments connus ou déjà vus à des informations nouvelles.
- La perception de l’espace en mouvement: L’espace n’est pas toujours fixe… et nous bougeons aussi.Les mouvements induisent la vitesse (un footballeur doit maîtriser la position de ses partenaires et de ses adversaires dans un laps de temps extrêmement court), peuvent perturber la perception, mais offrent l’avantage de présenter des points de vue successifs différents.
- L’orientation dans l’espace: L’espace nous pose parfois problème: Qui n’a jamais demandé son chemin? Qui n’a jamais été surpris de voir surgir un adversaire dans son dos? Qui n’a jamais été «désorienté» après une suite de rotations?
Hiérarchiser les différentes facettes
Il est difficile de hiérarchiser les différentes facettes de la perception de l’espace. Mais il est possible de les aborder – séparément ou sous des formes combinées – pour prendre conscience de ses propres capacités dans ce domaine, et pour améliorer ces capacités.
Parmi ce qui suit, nous proposons avant tout des exercices mettant en évidence notre perception de l’espace. Et si nous avons tenté de ne présenter que des exercices applicables dans le contexte d’un cours d’éducation physique ou d’un entraînement, nous avons parfois débordé sur d’autres domaines, absolument inévitables au vu de l’importance de certains aspects de la perception de l’espace.
Bibliographie
Bailly, A.; Guesnier, B.; Paelinck, J.; Sallez, A.: Stratégies spatiales, GIP Reclus, Montpellier,1995.
Goleman, D.: L’intelligence émotionelle (comment transformer ses émotions en intelligence), Laffont, Paris, 1997.
Vicki, B.; Green,P.: La perception visuelle:physiologie,psychologie et écologie,PUG,Grenoble, 1993.
Jeannerod, M.: The Representing Brains, in: Behavioural Brain Sciences,Nr. 17, Academic Press, New York,1994.
Bardy, B.; Laurent, M.: Vision, déplacement et demande en attention, in:«Les performances motrices» (Recherches en activités physiques et sportives 3), Universität Aix-Marseille II, Actio, Joinville-le-Pont, 1992.
Berthoz, A.: Le sens du mouvement, Odile Jacob, Paris, 1997.
Dietrich, P.: Physiologie et pathologies cérébrales de l’enfant, Skript eines Kurses am Institut de Pédagogie Curative an der Universität Freiburg, 1995.