Tout est-il affaire de «force-endurance»?
Dans les sports d’endurance, il peut être très intéressant pour les athlètes de se procurer un avantage sur la concurrence en travaillant leur force pas à pas ou à chaque coup de pédale. Il vaut toutefois la peine de se demander quels types d’entraînement de force sont les mieux adaptés aux différents efforts dans le domaine de l’endurance. Il s’agit notamment de s’affranchir du concept de force-endurance.
Blog de la Formation des entraîneurs Suisse
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Auteur: Adrian Rothenbuehler, responsable du domaine théorie de l’entraînement / condition physique
Mythes et réalités
La notion de force-endurance s’est durablement invitée dans le débat autour de l’entraînement de la force dans les sports d’endurance. Mais la classification de ce concept ne semble pas si simple que cela. Alors qu’on l’associait autrefois volontiers à la «force», elle est aujourd’hui clairement rattachée à l’«endurance». Il s’agit donc d’une capacité énergétique bien définie, qui dépend avant toute du métabolisme énergétique.
À y regarder de plus près, le concept implique toutefois un développement simultané de la force et de l’endurance. Mais en examinant les choses, on comprend vite que cela pose problème. Lors d’un exercice de force, l’organisme produit certaines chaînes de signaux qui génèrent les adaptations souhaitées dans l’organisme. Les sollicitations dans le domaine de l’endurance génèrent aussi de tels signaux. Mais lorsque des efforts dans le domaine de la force et de l’endurance se superposent (on parle alors d’entraînement combiné) dans une même séance, les adaptations ne peuvent pas donner leur pleine mesure (effet de l’entraînement combiné). Cet effet revêt une grande importance pour les athlètes qui s’entraînent à haute intensité.
Si l’objectif visé est d’optimiser les efforts dans le domaine de la force, la force-endurance est donc une solution peu adapté.
Cet effet de l’entraînement combiné montre par ailleurs clairement que la crainte des athlètes d’endurance de prendre de la masse musculaire s’ils entraînent leur force est infondée. Dans le sport d’élite tout particulièrement, les efforts accomplis par les athlètes dans le domaine de l’endurance sont en effet si prédominants par rapport aux séances de force que le blocage décrit ci-dessus ne génère pratiquement aucune croissance musculaire.
Le programme d’entraînement des athlètes d’endurance comprend souvent une séance de travail de la force (sous forme d’entraînement en circuit, par exemple). Par rapport à un entraînement de l’endurance normal, cette séance inclut un effort supplémentaire dans le domaine de l’endurance.
Compte tenu des spécificités physiologiques, il est toutefois évident que le plan d’entraînement doit prévoir une séance de force séparée de celle d’endurance pour aboutir à une amélioration des capacités de force.
À chaque foulée ou coup de pédale
Pourquoi peut-il s’avérer intéressant de mettre sur pied des séances d’entraînement de force isolées dans les sports d’endurance?
Il vaut la peine d’examiner les forces générées dans les différents sports d’endurance.
- Course à pied: 4 fois le poids du corps à chaque foulée (Rabita et al., SJMSS, 2015)
- Ski de fond: 50% de la 1RM par double poussé de bâtons (Stoggl and Holmberg, MSSE, 2011)
- Cyclisme: 50 kg par jambe
Un entraînement de force isolé permet d’augmenter le potentiel d’absorption ou de transfert de ces forces. Il vaut donc tout particulièrement la peine d’investir dans un bon entraînement de force dans les sports d’endurance dans lesquelles les sprints et les accélérations revêtent une importance prépondérante ou génèrent des forces importantes (p. ex. contractions excentriques).
- L’amélioration des paramètres de force (force maximale, condition physique générale) peut être considérée comme une aide initiale. Les athlètes au bénéfice de bonnes, voire de très bonnes capacités de force augmentent chaque jour leur potentiel, quel que soit le mouvement spécifique à leur discipline (p. ex. un pas). Plus l’on investit dans l’entraînement de ces capacités de force, plus on progresse rapidement et plus les possibilités d’en tirer profit augmentent.
- Dans les sports d’endurance, la capacité à mettre en œuvre les progrès accomplis dans le domaine de la force également lorsque les conditions deviennent plus difficiles (sur le plan du métabolisme) revêt une importance décisive. Le transfert des capacités de force dans les mouvements et charges spécifiques est donc très important.
Musculation ou prévention
De quelles conditions les efforts dans le domaine de la force dépendent-ils?
L’entraînement de la force peut globalement prendre deux directions: il peut servir à améliorer la puissance musculaire, mais aussi revêtir un caractère purement préventif. Les pics de force spécifiques au sport ainsi que la durée de l’effort à fournir jouent un rôle décisif pour le choix de l’entraînement de force.
- Le choix de la discipline est décisif pour la direction donnée à l’entraînement de force.
- Dans les disciplines où les pics de force sont élevés, la performance musculaire joue un rôle déterminant.
- Dans les disciplines nécessitant des efforts répétitifs (durée), l’entraînement de force revêt principalement un caractère préventif.
- Dans les deux cas, les aspects centraux de l’autre direction doivent aussi être pris en compte.
- Le transfert est effectué en fonction de cette direction.
Voici un exemple tiré de la course à pied qui illustrera ces propos:
Resumé
Dans les sports d’endurance, l’entraînement de force vise à améliorer la force potentielle à chaque mouvement. Les points ci-dessous doivent être pris en compte afin de planifier un entraînement de force sensé
- L’entraînement de la force est une unité isolée, qui ne devrait pas être considérée en remplacement d’un entraînement de l’endurance.
- Les capacités acquises dans le domaine de la force doivent au final pouvoir être exploitées dans des situations défavorables au niveau du métabolisme. On peut y parvenir grâce à un transfert spécifique au sport.
- Les mouvements types et les façons dont les muscles travaillent dans les différentes disciplines doivent être pris en compte (p. ex. coureurs: éléments de force réactive; cyclistes / skieurs de fond: force maximale sans éléments réactifs).
- Les pics en matière de force ainsi que la durée de l’effort dans la discipline concernée déterminent la direction (puissance musculaire, prévention, forme de transfert) de l’entraînement de la force.
Downloads
Vous trouverez dans les documents joints des programmes d’entraînement dans les sports suivants: course d’orientation, VTT, ski de fond, 800 m. Ces programmes servent à illustrer la mise en œuvre concrète des propos explicités dans la présente newsletter.
Sources et bibliographie, études
- Hegner, Jost: Training fundiert erklärt, Magglingen, Herzogenbuchsee: Bundesamt für Sport BASPO, Ingold, 2012
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Études
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