Deuxième partie – Ma conception du rôle d’entraîneur-e
«Je suis comme je suis»: voilà ce qu’a récemment déclaré un entraîneur à son athlète. Ce mode de pensée a bien fonctionné durant de nombreuses générations. Aujourd’hui cependant, les jeunes athlètes souhaitent des coachs flexibles, qui sortent de leur zone de confort, se remettent en question et adoptent le «mode développement». Dans une série composée de trois parties, nous allons nous intéresser de près à la personnalité de l’entraîneur.
Blog de la Formation des entraîneurs Suisse
La Formation des entraîneurs Suisse développe en permanence son offre numérique et soutient ainsi les entraîneurs du sport de performance et du sport d’élite suisses dans leur travail quotidien. Pour ce faire, nous publions régulièrement ici des articles de blog passionnants ainsi que des trucs et astuces pour l’entraînement et la compétition issus de différents domaines de spécialisation de la Formation des entraîneurs Suisse.
Auteur-e: Philipp Schütz, responsable du cursus d’entraîneur professionnel de la Formation des entraîneurs Suisse; Manuela Müller, responsable de la section Psychologie du sport, Formation des entraîneurs Suisse
Après nous être penchés sur les caractéristiques et les motivations des entraîneurs dans la première partie de notre série, nous allons maintenant nous intéresser à leur(s) rôle(s).
Pour rappel – Notre puzzle de la personnalité:
Notre personnalité: un puzzle complexe
Avant que nous n’entrions dans le vif du sujet, nous te prions de (re)découvrir les six rôles d’un-e entraîneur-e dans différentes situations. Cela t’aidera à te faire une idée claire de ton profil d’exigences.
Peut-être as-tu déjà vécu une situation similaire: tu viens de passer quelques heures à regarder les vidéos de tes athlètes, tu as conduit deux entretiens individuels au terme de l’entraînement du matin, tu dois encore préparer l’entraînement du lendemain et des parents d’athlètes demandent à te parler. Tu es fatigué-e et tu as encore des invités le soir.
En plus, travaillant à 50% dans la construction, tu dois préparer une présentation pour la fin de la semaine, et celle qui suit, tu es inscrit-e à un cours de formation continue à Macolin. Tu te demandes comment assumer convenablement tous ces rôles et satisfaire les attentes de tes athlètes, de ton ou de ta conjoint-e ou partenaire ainsi que de ton employeur.
Te voilà face à un conflit de rôles. Il en existe différentes formes, que voici:
Conflit inter-rôles
Tes différents rôles ne sont pas compatibles entre eux.
Conflit inter-émetteurs
Plusieurs personnes nourrissent, à ton égard, diverses attentes en partie incompatibles.
Conflit intra-émetteur
Une même personne nourrit, à ton égard, diverses attentes en partie incompatibles.
Conflit personne-rôle(s)
Les attentes extérieures sont contraires à tes valeurs.
Concurrence mutuelle
Arrêtons-nous un instant sur ces quatre formes: si tes rôles ne sont pas compatibles entre eux – comme c’est le cas dans l’exemple ci-dessus –, on parle de conflit inter-rôles. Le cas échéant, tu dois accepter de ne pas pouvoir satisfaire certaines attentes; tu ne peux pas contenter tout le monde.
Quelle stratégie adopter en cas de conflit inter-rôles?
- Se faire une idée claire de tes propres rôles
- Clarifier les attentes liées à chacun des rôles (p. ex. en posant la question aux intéressé-e-s)
- «Négocier» les attentes liées aux rôles
- Opérer une distinction entre les attentes qui doivent, devraient ou peuvent être satisfaites
- Exploiter la marge de manœuvre à disposition pour façonner ses différents rôles
- Élaborer des stratégies en vue de délimiter les différents rôles (p. ex. dire non)
Satisfaire les différentes attentes
Au-delà du conflit inter-rôles, il existe le conflit inter-émetteurs. Imaginons que tu entraînes une équipe M17. La mère de l’une de tes athlètes attend de toi que tu garantisses à tout le monde les mêmes conditions d’entraînement et de compétition (p. ex. temps de jeu). Le père d’un autre athlète trouve que les meilleurs du groupe devraient être davantage tirés en avant (p. ex. au moyen d’entraînements supplémentaires avec les M19).
Les attentes de l’entourage (parents, athlètes) à ton égard et celles au sein même du club peuvent être très différentes. Chaque entraîneur-e doit avoir conscience que son rôle est associé à des attentes et à des comportements très variés. En tant qu’«acteur» ou «actrice», tu dois tenir compte de ces exigences conformément à ta position. Là non plus, tu ne peux pas contenter tout le monde.
Quelle stratégie adopter en cas de conflit inter-émetteurs?
- Connaître ses propres valeurs et besoins
- Définir, avec l’employeur (club, fédération), une philosophie commune
- Prévoir du temps pour intégrer toutes les parties prenantes (p. ex. séance d’information)
- Écouter les différents avis et exprimer son opinion en s’appuyant sur des faits
- Ne pas prendre personnellement les critiques liées à son ou à ses rôles (prendre de la distance)
- Apprendre à «vivre» avec des attentes différentes
Résister à la pression extérieure
Supposons que ton club vienne d’engager un nouveau président. Très ambitieux, il veut obtenir rapidement de bons résultats et voir progresser la relève. Après chaque défaite, il vient te demander des comptes à l’entraînement. Parallèlement, il exige que tu prépares chaque année des athlètes à passer dans la catégorie d’âge supérieure et que tu fasses d’eux des sportifs complets. Ils doivent pour cela avoir développé de grandes qualités tant aux niveaux technique et tactique que physique, émotionnel et mental. Tu perçois un conflit entre développement à court et à long terme pour lequel tu n’as pas de solution. On parle ici de conflit intra-émetteur.
Quelle stratégie adopter en cas de conflit intra-émetteur?
- Clarifier les exigences avant de prendre ses fonctions
- Évoquer le conflit de rôles et le dilemme qui en résulte
- Formuler les attentes réciproques
- «Négocier» les attentes et le rôle
- Élaborer une philosophie commune
- Prévoir des étapes intermédiaires pour l’évaluation
Emprise extérieure vs autodétermination
La quatrième et dernière forme de conflit (possible) est appelée conflit personne-rôle(s). Ici, les attentes à l’égard de ton rôle d’entraîneur-e (p. ex. de la part de la direction du club) sont contraires à tes valeurs et besoins personnels. C’est le cas, par exemple, si la direction du club attend de toi que tu diriges tes athlètes d’une «main de fer», que tu adoptes un style directif et que tu prennes toutes les décisions selon une approche «de haut en bas», alors que pour toi, les besoins psychologiques fondamentaux de tes athlètes, c’est-à-dire l’autonomie, l’appartenance sociale et la compétence, sont primordiaux. Tu n’arrives pas à t’adapter autant que tu le devrais pour satisfaire les attentes de la direction du club, ce qui donne lieu à des divergences de vues récurrentes.
Quelle stratégie adopter en cas de conflit personne-rôle?
- Connaître ses propres valeurs et besoins
- Rester fidèle à soi-même, à ses valeurs et à ses besoins
- Proposer son soutien malgré tout
- Trouver le «plus petit dénominateur commun»
- Chercher des «alliés» dans l’organisation et faire appel à eux
- Agir selon ses convictions et, si le conflit s’envenime, chercher un autre emploi
Se distancier de ses rôles
En principe, quiconque est amené à endosser de nouveaux rôles le fait dès son entrée en fonction, ou dès le début d’une saison dans le cas d’un-e entraîneur-e. Toutefois, avant d’entamer cette nouvelle étape, il vaut la peine de prendre le temps de la réflexion. En effet, tu dois évaluer les diverses attentes qui existent par rapport à ces rôles afin de rester en accord avec toi-même. Tu dois pour cela prendre de la distance par rapport auxdits rôles, c’est-à-dire être capable d’identifier la marge de manœuvre dont tu disposes par rapport aux comportements standard attendus (p. ex. par la direction du club ou l’équipe) et de l’interpréter selon tes propres exigences et besoins. Tu pourras ainsi tenir compte à la fois des attentes extérieures et de tes besoins personnels.
«Chaque rôle que tu assumes comporte son lot de défis.»
Conclusion: il est impératif que tu aies conscience des différents rôles qui t’incombent en tant qu’entraîneur-e et que tu connaisses les attentes qui y sont liées. Fais en sorte d’établir une conception commune autour de ces rôles. Réagis dès que des clarifications s’imposent en ce qui concerne la définition des rôles et les attentes qu’ils suscitent. Sois au clair sur les rôles que tu peux et ne peux pas accepter dans la situation actuelle. Si tu ne peux pas accepter certains rôles, prends des mesures constructives. Demande-toi en outre si tu possèdes les compétences requises pour assumer tes rôles et satisfaire les attentes qui en découlent. Si nécessaire, consolide ou élargis tes compétences.
Tu découvriras, dans cet article, comment réussir tes entretiens avec les responsables du club et ton entourage. Et si tu veux savoir pourquoi il vaut parfois mieux écouter que parler, clique sur ce lien.
Pistes de réflexion:
- La conception des rôles est à la base de toute intervention consciente de l’entraîneur-e. Que dois-je faire? Qu’ai-je le droit de faire? Que devrais-je faire? Que puis-je faire?
- Les conflits de rôles sont inévitables, mais peuvent être résolus de différentes manières (entre endosser les rôles et les refuser).
- Des rôles clairement définis permettent des interactions fructueuses entre les entraîneurs.
- Un état d’esprit de développement t’aide à considérer les défis comme des opportunités.
Dans la troisième partie de notre série, tu découvriras quelles influences la culture et le sport peuvent avoir sur ta personnalité d’entraîneur-e, pourquoi authenticité et flexibilité ne sont pas incompatibles et pourquoi le fait de partager ton histoire contribue au développement de ta personnalité d’entraîneur-e.
À venir
- Culture, authenticité/flexibilité et histoire personnelle
Bibliographie
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- Lippmann, E. (2013): Coaching. Angewandte Psychologie für die Beratungspraxis. Heidelberg: Springer.
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- Schäfers, B. (2016): Einführung in die Soziologie. Heidelberg: Springer.
- Schreyögg, A. (2012): Coaching. Frankfurt a. M.: Campus.